La misère dans les pays industrialisés : Une priorité pour le G7 et le G20

Le développement de l’Afrique s’est invité encore une fois au rang des discussions des sommets du G7 et du G20 cette année en Italie aussi bien qu’en Allemagne. En toile de fonds la lutte contre les « causes profondes de la migration irrégulière » de quelques dizaines de milliers d’africains vers l’Europe.  Pour l’Italie comme pour l’Allemagne, il s’agit de faciliter les investissements de leurs entrepreneurs en Afrique pour créer des emplois avec l’illusion de pouvoir garantir un travail décent aux 350 millions de jeunes âgés de 15 à 24 ans qui peuplent le continent. Ironie du sort, ce sont ceux-là même qui via les institutions financières internationales (FMI et Banque Mondiale) et via leur Club des pays créanciers (Club de Paris), ont poussé les pays africains à des programmes d’austérité dits d’ajustement structurel qui handicapent jusqu’alors la création d’emplois viables pour les jeunes africains. Difficile alors de croire à la bonne foi de ces nouveaux sauveurs de l’Afrique qui peinent à trouver une solution au chômage des leurs en Europe.

Derrière la publicité humanitaire consistant à sauver la vie des « pauvres migrants africains» en mer Méditerranée, il n’apparait pas moins pour ces pays l’envie d’aller vers le marché prometteur qu’est l’Afrique. En effet les rapports des économistes ne cessent de vanter le potentiel de croissance dans l’avenir de ce continent qui alimente la soif prédatrice de la finance internationale. La preuve en est la démarche ciblée de l’Italie et de l’Allemagne dans leur «Compact » ou « Marshall plan » vers quelques pays stratégiques sur le continent et pas forcément ceux en ayant le plus besoin. La même démarche se retrouve dans le nouveau plan d’investissement que l’Europe vend au continent africain et qui verra l’objet du prochain sommet Union Africaine – Union Européenne en Côte d’ivoire. Ce sommet portera également, entre autres, sur les opportunités d’emplois à offrir aux jeunes africains. II apparait clairement dans les plans de développement de l’Afrique des pays du G7 comme du G20, une stratégie de recherche d’un nouveau souffle pour leur système économique en crise et dont la renaissance pourrait dépendre des ressources du « pauvre continent » africain et de la jeunesse de sa population.

Depuis la crise des subprimes en 2008 et la formalisation du G20 pour assurer la nouvelle gouvernance économique mondiale, les solutions se font toujours attendre. De la promesse de lutte contre les paradis fiscaux, de la nécessité d’une taxation des transactions financières, de l’urgence d’une refonte des institutions économiques internationales et de la mise en ordre du système financier et bancaire international, il est de moins en moins question. Les solutions qui pourraient réellement transformer la vie des populations sur notre planète, créer des emplois viables, ramener de la justice sociale et fiscale au Nord comme au Sud sont mises de côté. En lieu et place on valorise encore et toujours la recherche de profit maximal pour le capital, la spéculation boursière,  et la croissance des richesses des nantis au détriment du social et de l’environnement. Mais au Sud, comme au Nord, la crise sociale s’amplifie. Elle se vit plus en plus durement avec le risque de conflits et de rebellions de la nouvelles classes sociales composée de ceux et celles qui ont un travail précaire pour juste survivre et dont l’emploi est sans cesse menacé.  Pour camoufler cette situation critique, avec l’aide des médias, Les gouvernements ne cessent de brandir l’épouvantail du « terrorisme ». Ils stigmatisent tout autant l’étranger « voleur d’emploi » pour leur faire porter à tort le fardeau de la crise et justifier des dépenses folles pour « la sécurité et la défense du territoire ». Les citoyens se sentent prises au piège d’un système défendu par une alliance politico-économico-militaro- financière et en réponse, ils ne cessent de boycotter les élections qui n’offrent plus à leurs yeux une alternance ou encore l’espoir d’un lendemain meilleur.

Mettre en avant l’Afrique au sommet du G7 et du G20, c’est cacher la misère grandissante dans les pays industrialisés.  Celle des travailleurs mis aux chômages en Europe et aux Etats Unis par la mondialisation néolibérale, la délocalisation des entreprises vers des pays où de la main d’œuvre à bas prix est exploitée, et le recours à l’automatisation systématique. Dans les quelques métiers manuels qui restent encore à prendre dans les grandes surfaces, les marchés etc., les machines remplacent les hommes pour encore plus de profit sur le capital. La misère des jeunes surdiplômés livrés à des travaux précaires et plus que jamais en crise sur leur avenir. La misère des employés et ouvriers surendettés dans une société qui leur offre une course aux loisirs comme seul échappatoire à l’aliénation du travail. La misère des étudiants qui bien avant de commencer à travailler se retrouvent sous le poids de la dette car le système leur fait comprendre que s’ils veulent espérer avoir une belle vie dans cette société ils doivent commencer par s’endetter pour leurs études. Ils sont donc obliger de faire un pari sur l’avenir dans ces sociétés devenues un « casino géant ». Par chance certains trouveront un emploi et rembourseront leur dette tout au long de leur vie ou par malchance ils contracteront de nouvelles dettes ou n’auront d’autres recours que le suicide.

La dernière des misères de ces sociétés et la plus bouleversante qu’il soit est la perte des valeurs humanistes. Des sociétés qui ont transformé la solidarité envers l’étranger de passage en délit puni par la loi. Des sociétés qui se réjouissent de refuser des visas humanitaires ou les demandes d’asile à des personnes qui fuient la mort. Des sociétés où l’éloge des courants religieux « rigoristes » comme au Moyen-Orient et outre-Atlantique, de la laïcité « totalitaire » ou des partis politiques « populistes » appelant à la haine de l’autre comme en Europe, est devenu un fait banal. Rigorisme, Populisme, Totalitarisme. A y penser, les vrais problèmes au sein des pays du G7 et du G20 sont tout autant alarmant que les quelques dizaines de milliers de jeunes africains sacrifiés à l’autel des politiques migratoires sécuritaires. Alors à quand des sommets du G7 ou du G20 consacrés aux misères dans les pays industrialisés ?

 (Cet article a été écrit par Samir ABI, Secrétaire Permanent de l’Observatoire Ouest Africain des Migrations)  

One thought on “La misère dans les pays industrialisés : Une priorité pour le G7 et le G20

  1. Cheikh DIOP SG CNTS/FC Sénégal

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    Je trouve très pertinentes les idées qui sont développées par le camarade SAMIR. Nous devons les partager le plus possible dans nos réseaux.

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